Monday, April 6, 2015

Le "blues" des facultés de droit


Si l’économie américaine se remet progressivement des conséquences de la crise, avec un taux de chômage désormais revenu autour de 5 %, tous les secteurs ne profitent pas également de la reprise. Le niveau des inscriptions dans les facultés de droit, en particulier, continue de décliner, comme vient de noter un récent article publié dans le journal de l’American Bar Association. Pour la quatrième année consécutive depuis 2010, le nombre des étudiants préparant un diplôme de Jurisdoctor (JD, le diplôme de base pour l’accès aux professions juridiques) a baissé. Les 204 law schools accréditées par l’American Bar Association comptent désormais 18,5 % d’étudiants de moins qu’en 2010 (pic historique des effectifs), et le nombre des étudiants est revenu à son niveau de 1987 : elles comptent 119 775 étudiants, contre 147 525 en 2010. Et la tendance devrait se poursuivre, puisque le niveau des inscriptions en première année continue de faiblir (37 924 en 2014, contre 52 488 en 2010), ainsi que celui des candidats au LSAT, le test d’accès aux études de droit (un test standardisé qui permet d’obtenir un score que les candidats joignent à leur dossier de candidature dans les différentes universités).

Comment expliquer ce phénomène ? Aux Etats-Unis, le coût des études de droits est particulièrement élevé : de l’ordre de 40 000 à 50 000 dollars par an  pour les seuls droits d’inscription (pour une scolarité qui dure trois ans). Et ce coût s’ajoute souvent aux dettes contractées lors des études post-bac, car on ne peut accéder aux études de droit qu’après avoir obtenu un premier diplôme d’enseignement supérieur (un bachelor’s degree, l'équivalent de la licence ou du master I). Pendant longtemps, ce coût a paru justifié par le retour sur investissement, car les rémunérations dans les professions juridiques sont élevées et que le niveau de l’emploi dans ces professions l’était également (en 2012, la rémunération médiane à l’embauche pour un avocat débutant dans le secteur privé était de l’ordre de 100 000 dollars par an). Mais la crise est passée par là.

Pour l’instant, la baisse des effectifs dans les JD est en partie compensée par l’augmentation du recrutement des étudiants dans d’autres programmes, et notamment les programmes de LLM (des diplômes en 1 an principalement à destination des étudiants étrangers, mais aussi des professionnels désirant une année de spécialisation) : sur 15 ans, le nombre d’étudiants suivant ces programmes a augmenté de 79 %. Mais là encore, le marché n’est pas extensible à l’infini, et finira par trouver ses limites, car le coût de ces formations est également très élevé (de l’ordre de 40 000 dollars à l’année).

Face à cette crise, les propositions fusent dans tous les sens. L’idée de réduire la scolarité à deux ans a attiré beaucoup d’attention lorsque le président Obama l’a reprise à son compte dans un discours en 2013. Mais pour le moment, elle n’a pas fait beaucoup d’émules. D’autres initiatives ont pour but d’améliorer la transparence sur le sort des diplômés à la sortie des écoles. Dans le passé, certaines écoles ont été accusées de gonfler leurs statistiques d’embauche des diplômés, notamment pour améliorer leur place dans le très influent classement des écoles, publié tous les ans dans US News. Une organisation spécifique, Law school transparency,  est désormais entièrement dédiée à l’observation des facultés de droit et à la publication de statistiques indépendantes sur les coûts et les débouchés (taux de réussite à l’examen d’avocat, taux d’embauche, etc.).


Les facultés de droit, quant à elle, font de leur mieux pour équilibrer leur budget et trouver de nouvelles ressources. Signe des temps, elles sont de plus en plus nombreuse à facturer l’accueil (autrefois gratuit) des visiting scholars, ces universitaires étrangers qui viennent étudier quelques mois aux Etats-Unis.

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