Monday, March 9, 2015

Découpage électoral : qui doit tenir les ciseaux?

A la Cour suprême des Etats-Unis, c'est parfois comme à la SNCF : une affaire peut en cacher une autre. La semaine dernière, une grande partie de l'attention était focalisée sur l'affaire King v. Burwell, qui aura des conséquences importantes sur l'application de la réforme de l'assurance santé initiée par le Président Obama (la Cour devra, en substance, dire si les subventions fédérales pour la souscription d'une assurance santé sont disponibles dans tous les Etats ou, en raison d'une malfaçon législative, dans une partie d'entre eux seulement). Et, comme tout ce qui touche à l'Obamacare, l'audience consacrée a cette affaire était très attendue, car le sujet est politiquement très sensible.

Mais, deux jours plutôt, une autre affaire importante (Arizona State legislature v. Arizona independent restricting commission) était venue à l'audience devant la Cour. Cette affaire concerne les modalités du découpage électoral pour les élections au Sénat et à la Chambre des représentants.

Les contestations relatives au découpage électoral ne sont pas l'apanage des Etats-Unis, et sont presque aussi vieilles que le régime représentatif. On se souvient, en France, de la controverse sur le redécoupage opéré en 1987 à l'initiative de Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, qui avait donné lieu à une mémorable affiche sur le thème "charcutage électoral, charcutage des libertés". Mais il y a aussi, dans la vie politique américaine, une solide tradition de découpage des circonscriptions sur mesure pour avantager tel ou tel camp. Il y a même un mot spécial pour désigner cette activité, "gerrymandering", dérivé du nom d'un gouverneur de l'Etat du Massachussets -un certain Gerry- qui, en 1812, opéra un découpage sur mesure dont une des circonscriptions avait la forme d'une salamandre.

Pour mettre un terme aux polémiques sur le découpage partisan des circonscriptions, les électeurs de certains Etats ont utilisé la procédure de référendum d'initiative populaire pour faire adopter le principe du découpage par une commission indépendante, plutôt que par les assemblées représentatives des Etats -qui peuvent être tentées d'avantager le camp majoritaire. C'est le cas en Arizona, depuis l'année 2000, mais aussi en Californie, depuis 2010.

Le problème, c'est qu'une disposition de la Constitution américaine, la subdivision 1 de la section 4 de de l'article 1re prévoit que "Le temps, le lieu et les modalités des élections des Sénateurs et des Représentants seront fixés dans chaque Etat par la législature dudit Etat ; mais le Congrès pourra à tout moment édicter des règles ou les modifier, sauf en ce qui concerne le lieu de l'élection des Sénateurs" (The Times, Places and Manner of holding Elections for Senators and Representatives, shall be prescribed in each State by the Legislature thereof; but Congress may at any time make or alter such Regulations, except as to the Place of chusing Senators).

La législature de l'Etat de l'Arizona estime que cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation littérale, et que les pouvoirs qu'elle prévoit ne peuvent être exercés que par les assemblées des Etats, et non par des procédés de démocratie directe (dans les Etats où ils existent, comme en Arizona ou en Californie). Si la Cour lui donnait raison, cela pourrait remettre en cause le découpage opéré, et redonner la main au corps législatif de ces Etats pour découper les circonscriptions. Or, certains d'entre eux ont un poids électoral considérable, comme la Californie.

Pour en savoir plus : un article de Bob Egelko dans le San Francisco Chronicle 

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