Thursday, March 12, 2015

Obamacare, le retour : l'affaire King v. Burwell

Le 4 mars dernier, tous les regards étaient tournés vers la Cour Suprême des Etats-Unis, qui tenait son audience dans l'affaire consacrée à la réforme de l'assurance-santé (familièrement surnommée l'Obamacare). La presse française en a déjà rendu compte, et notamment Le Monde, dans un article de Gille Paris. L'intérêt juridique de l'affaire est inversement proportionnel à l'enjeu de la question posée.

L'enjeu pratique est de savoir si, dans 34 Etats des Etats-Unis, les américains de revenus modestes pourront continuer à bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu (qui est l'équivalent d'une subvention) pour souscrire une assurance santé. Environ 7 millions de personnes seraient concernées.

La controverse juridique à l'origine de cette interrogation tient à la rédaction de quatre mots de l'obscure section 36B nichée quelque part dans les 900 pages (!) de la loi. La loi, qui a rendu la souscription d'une assurance santé obligatoire, a institué des marchés d'assurances  (en pratique, des sites internets où les assureurs proposent leurs contrats) où les consommateurs peuvent être mis en rapport avec un assureur et choisir leur contrat s'ils ne sont pas déjà assurés. Elle a également institué le principe d'un crédit d'impôt de l'Etat fédéral pour permettre aux  personnes à revenus modestes de supporter le coût de leur assurance santé.

Mais la loi prévoit que ce crédit d'impôt sera disponible sur les marchés d'assurance "établis par l'Etat" ("established by the State"). Or, aux Etats-Unis, l'appellation "the State" ne désigne pas l'Etat fédéral -l'Etat central, dirait-on en France-, mais un des Etats fédérés (comme la Californie ou la Virginie). Or, 16 Etats seulement ont mis en place leur propre marché d'assurance. Les autres Etats ont choisi, pour marquer leur opposition à la loi, de ne pas créer leur propre marché et de laisser l'Etat fédéral le faire à leur place.

Les auteurs du recours soutiennent, sur la base d'une interprétation purement littérale de la loi, que dans les 34 Etats où le marché de l'assurance est géré par l'Etat fédéral, le crédit d'impôt n'est pas disponible. Les défenseurs de la loi font tout simplement valoir qu'il n'a jamais été question, pendant les semaines de débats parlementaires, d'instaurer une telle limitation, qui irait au demeurant totalement à l'encontre de l'objet et du but de la loi et de son économie générale.

L'affaire s'inscrit dans le cadre d'une guérilla juridique contre la loi, menée par la frange la plus conservatrice des milieux d'affaire et des Républicains, qui voient dans cette loi le premier pas sur la  pente glissante vers le "socialisme".

Comme pour toutes les affaires importantes, l'arrêt est attendu à l'extrême fin de l'année judiciaire 2014-2015 (le "term", dans la terminologie de la cour), c'est à dire dans les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet.

Pour en savoir plus : le dossier complet de Scotusblog et un excellent article de Jeffrey Toobin dans le New Yorker

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