Monday, March 23, 2015

Le triangle des Bermudes

Jamais à court d’imagination pour mettre des bâtons dans les roues de l’administration Obama, quarante-sept sénateurs républicains ont adressé, il y a quelques jours, un courrier aux dirigeants iraniens pour « porter à leur attention » les pouvoirs du Sénat américain en matière de conclusion de traités internationaux. Le courrier indique notamment que tout traité conclu dans le cadre de la négociation nucléaire devrait recevoir l’aval d’une majorité des deux tiers du Sénat américain préalablement à sa ratification par le Président. Dans le cas contraire, il s’agirait d’un simple « executive agreement », sur lequel le prochain président des Etats-Unis serait libre de revenir à sa guise.  A la suite du courrier, chacun y est allé de sa petite leçon de droit constitutionnel et international, sous l’œil goguenard des dirigeants iraniens.

Sans remonter au traité de Versailles et à la SDN, on peut rappeler que le Sénat américain a souvent fait figure, au cours des dernières décennies, de « triangle des Bermudes » pour les traités internationaux : tous n’en sont pas ressortis.  Parmi quelques exemples  particulièrement marquants  de cette réticence :
                -la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS, ou Convention de Montego Bay), ouverte à la signature en 1982, et qui compte aujourd’hui  plus de 160 Etats parties, n’a jamais réussi à franchir la barrière du Sénat américain. A l’origine, les réticences étaient communes à l’Exécutif et au Congrès, et portaient sur le régime des fonds marins. Mais cette objection a perdu sa portée depuis la révision de la convention sur ce point, en 1994. Malgré le soutien à la ratification exprimé par les présidents Bush et Obama, une nouvelle tentative pour obtenir l’accord du Sénat a échoué en 2012.
                -la convention internationale sur les droits de l’enfant  de 1990 : elle a été ratifiée par quasiment tous les Etats des Nations-Unies, sauf les Etats-Unis  et la Somalie (la ratification étant, sauf erreur, en cours au Sud Soudan). Le président Obama a décrit cette non-ratification comme une source d’embarras, mais l’opposition du Sénat étant connue, le texte n’y a même pas été présenté.
                -le pacte international sur les droits civiques et politiques de 1966 : il a bien réussi à franchir le cap du Sénat, et a pu être ratifié en 1992, mais la ratification a été assortie de 14 réserves et déclarations interprétatives (d’une validité douteuse au regard du droit international  coutumier des traités), si bien que le statut d’Etat-partie des Etats-Unis est largement symbolique.


Et l’inventaire est loin d’être exhaustif.

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